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UNE BD SUR LA DEPRESSION POST-PARTUM

« La Remplaçante », une bande-dessinée déculpabilisante qui brise les tabous sur le post-partum

Écrit par Julia Mothu pour le magazine NEON 2021

Et si on pouvait disparaître, subitement, pour être remplacé par une version améliorée de nous-même ? Une personne qui ferait tout à notre place, sans jamais s’épuiser, et toujours avec le sourire ? Depuis son accouchement, Marketa ne rêve que de ça. Elle imagine une mère parfaite – une « wondermum » – qui s’occuperait de son enfant mieux qu’elle. Dans La Remplaçante, l’autrice Sophie Adriansen nous raconte, avec humour et optimisme, le parcours de cette jeune mère de famille qui ne parvient pas à apprivoiser la maternité.

Une bande-dessinée aux couleurs acidulées et aux dessins plein de douceur signés Mathou, qui martèle haut et fort que non, devenir mère n’est pas une évidence pour toutes les femmes. Non, l’allaitement n’est pas nécessairement vécu comme un « moment magique ». Non, on ne retrouve pas son corps immédiatement après un accouchement. Cette histoire, directement inspirée du vécu de l’autrice, est aussi celle de plusieurs milliers de femmes à travers le monde. Rencontre.

NEON : La maternité est un thème récurrent dans vos écrits. À quel point avez-vous puisé dans votre expérience personnelle pour écrire l’histoire de Marketa, l’héroïne de La Remplaçante ?

Sophie Adriansen, autrice de La Remplaçante : J’ai pris conscience que j’avais fait une dépression post-partum à la naissance de mon deuxième enfant. Elle a duré de la naissance du premier jusqu’au deuxième, mais ne m’a jamais été diagnostiquée. Il m’a fallu du temps et une certaine réparation avant d’avoir le recul nécessaire pour comprendre ce qui m’était arrivé. Les phobies d’impulsion que j’évoque dans La Remplaçante (la crainte obsédante de commettre un acte agressif ou moralement répréhensible sur son enfant), je les ai vécues moi aussi. Quand je les ai ressenties et que j’ai été traversée par l’idée de jeter mon bébé par la fenêtre, j’ai cru que je devenais folle, car je ne savais pas que c’était quelque chose de caractérisé par les psys, qui arrive fréquemment en période de post-partum. Mon idée, c’était donc de mettre en scène des choses de mon expérience pour que d’autres mères se sentent moins seules dans leur douleur.

Rongée par la culpabilité, Marketa imagine une version d’elle-même améliorée. Une « remplaçante » qui s’occuperait parfaitement de son bébé. Ça aussi, c’est du vécu ?

Oui, et c’est d’ailleurs ça qui m’a donné l’idée du titre de la bande-dessinée. À la maternité, quand je suis revenue de la douche, j’ai imaginé qu’en ouvrant la porte de ma chambre je trouverais une autre femme à ma place, avec mon mari et qui s’occuperait de mon bébé. J’ai visualisé mentalement cette remplaçante et j’ai compris que j’avais le choix. Soit je replongeais dans la dépression dont je sortais à peine, soit j’y allais pour de bon et je ne laissais personne prendre la place que j’étais légitime à occuper. Je suis entrée dans la chambre en me disant qu’il ne tenait qu’à moi d’incarner cette pleine version de moi-même.

La Remplaçante aborde des sujets encore tabous (dépression post-partum, phobie d’impulsion, difficulté à aimer son bébé) mais le fait paradoxalement avec beaucoup d’humour et en usant d’une palette de couleurs gaies. Pourquoi c’était important, cette touche de légèreté ?

L’histoire que j’avais envie de raconter, ce n’était pas celle d’une femme qui s’enfonce dans le noir et pour qui le post-partum est une fin en soi. Parce que l’histoire de Marketa ne se résume pas qu’à de la douleur. La joie prend doucement de plus en plus de place dans sa vie, et le travail graphique de Mathou met parfaitement cela en valeur. Dans son cas à elle, son expérience lui permet même de relativiser certaines choses par rapport à son existence ou encore à son travail. Elle reprend progressivement sa place de compagne et de maman. La vie est faite comme ça, on passe par des phases qui peuvent être très sombres et difficiles, et puis les choses s’améliorent. Je ne voulais pas que le message soit que tout est foutu, sans pour autant cacher tout le négatif qui peut découler de l’arrivée d’un enfant.

« La Remplaçante » de Sophie Adriansen et Mathou, éditions FIRST. Disponible depuis le 12 mai en librairie, 19,99 €

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