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Trop de médecins d’ici 2035 ?

 « On aura des médecins dont on ne saura que faire »

Face à la politique gouvernementale d’augmentation massive des effectifs en médecine, l’Académie nationale de médecine tire la sonnette d’alarme et préconise une approche plus mesurée, remettant en question la stratégie actuelle de lutte contre les déserts médicaux, dans un rapport auquel a collaboré Pr Guy Vallancien, qui le commente dans Le Point. 

Un rapport récent de l’Académie de médecine vient bousculer les certitudes du gouvernement en matière de formation médicale. Alors que l’ancien Premier ministre Gabriel Attal préconisait en avril 2024 d’augmenter considérablement le nombre de places en deuxième année d’études de médecine, pour atteindre 16 000 étudiants en 2027 (contre 10 800 actuellement), l’Académie de médecine met en garde contre le risque d’un surplus de praticiens d’ici à 2035.

Une augmentation du nombre de médecins déraisonnable

Le professeur Guy Valancien chirurgien urologue et rapporteur de cette étude, interrogé par le journal Le Point, estime qu’une hausse modérée de 10% des effectifs, portant le quota annuel à 12 000 étudiants, serait plus adaptée aux besoins réels. « Vouloir en former 16 000 par an, ou doubler les effectifs, est déraisonnable », affirme-t-il, prévenant qu’à ce rythme, nous aurons « des médecins dont on ne saura pas que faire » et que « les responsables politiques devront alors rétablir le numerus clausus ».

Cette position s’appuie sur une analyse démographique précise. Selon les projections, la France devrait atteindre tout juste 69 millions d’habitants en 2035, avant de connaître une décroissance démographique à partir de 2044. Si le vieillissement de la population nécessitera effectivement plus de temps de prise en charge, l’augmentation modérée de 10% du nombre de médecins généralistes devrait suffire à répondre aux besoins.

Évolution des pratiques et technologies : des facteurs sous-estimés

Le rapport souligne plusieurs éléments négligés dans le débat actuel sur la démographie médicale. D’abord, l’évolution des pratiques et des modes de travail des médecins modifie sensiblement les besoins en effectifs. Ensuite, l’apport de l’intelligence artificielle dans les cabinets médicaux, particulièrement en matière d’imagerie diagnostique, permettra de gagner un temps précieux.

Guy Vallancien insiste sur l’importance de « mettre le paquet sur la formation des infirmières et des assistants médicaux, qui libèrent du temps pour le praticien généraliste » plutôt que de multiplier le nombre de médecins. Il pointe également du doigt un problème d’organisation, la prise en charge des patients étant parfois « problématique » à cause d’un personnel de santé qui n’exerce pas suffisamment « au sein de communautés professionnelles ».

Une réforme des études de médecine préconisée

Au-delà de la question des effectifs, l’Académie de médecine remet en question la réforme PASS/LAS engagée depuis 20219. De neuf à dix années selon les spécialités, au lieu des dix à douze actuellement ». Pour ce faire, il suggère de réduire l’enseignement de « chimie ou de physique pure » au profit d’une formation plus centrée sur les aspects médicaux.

Cette position de l’Académie de médecine intervient dans un contexte où le paradigme dominant consiste à augmenter massivement le nombre de médecins pour pallier les départs en retraite et lutter contre les déserts médicaux. Le ministère de l’Enseignement supérieur a indiqué réfléchir à une réforme, reste à savoir si ces recommandations seront prises en compte dans les futures décisions gouvernementales concernant la formation médicale en France.

Article paru dans WHAT’S UP DOC le quotidien des jeunes médecins le 12.03.25

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