Articles psy

Détecter et soigner la dépression post-partum

La dépression que connaissent les jeunes parents à la naissance d’un enfant, et plus largement les difficultés liées à la maternité, doit alerter l’entourage. Depuis juillet 2022, un entretien de prévention est obligatoire pour déceler cette maladie.

 La maternité est toujours présentée sous un jour positif. Or, c’est une profusion de sentiments et d’émotions. Ce n’est pas sans conséquence sur l’état psychologique de la mère et du père. Le ressenti peut être ambivalent. Devenir parent est un tel bouleversement. » Élise Marcende a connu la difficulté d’être mère.

Aujourd’hui présidente de l’association Maman Blues, la bibliothécaire en disponibilité est passée par une dépression post-partum lorsqu’elle est tombée enceinte de sa fille aînée. « Dès le deuxième mois de grossesse, j’ai dû être alitée. J’ai alors commencé à sombrer psychiquement. Après la naissance, quand je suis rentrée chez moi, j’ai décompensé. J’ai été hospitalisée en hôpital psychiatrique », raconte-t-elle.

Plusieurs mois ont été nécessaires à la Lyonnaise et à sa fille pour se retrouver. La dépression post-partum a fait son entrée dans le débat public ces dernières années. « Il était temps. Les médecins et plus généralement les professionnels de la santé s’assurent majoritairement que le bébé est en bonne santé physique. Jamais, pendant ma grossesse, on ne m’a demandé, à l’exception d’une fois, comment j’allais », se remémore Élise Marcende.

100 000 femmes en détresse

Michel Dugnat, pédopsychiatre, responsable de l’unité de soins conjoints (parents-bébé) de l’Assistance publique-hôpitaux Marseille évoque « 5 % de cas de dépressions sévères, de celles qui font que la mère n’arrive plus à dormir ni se lever ni s’occuper de son bébé ». À l’instar de l’association Maman Blues qui aide et accompagne les femmes en difficulté, le spécialiste préfère désigner par l’expression « difficultés maternelles » les différentes situations qui englobent la dépression (impliquant un traitement médicamenteux, voire l’hospitalisation).

Parfois la femme ressent des symptômes dépressifs sans pour autant que sa situation nécessite une prise en charge lourde. Dans cette optique élargie, le pédopsychiatre souligne que « l’étude Elfe qui suit 15 000 enfants français nés en 2011 rapporte que 12,5 % des femmes ont ressenti pendant la grossesse et après l’accouchement une détresse psychologique ». Si l’on se fie au rapport de la commission des 1 000 premiers jours de septembre 2020, il est expliqué que « plus de 100 000 femmes sont en grande détresse lors de l’année qui suit la naissance de leur enfant ».

La présidente de Maman Bues n’aurait jamais pensé passer par une telle épreuve. « Ma vie était stable et je n’avais pas d’antécédent psychiatrique », résume-t-elle. « L’origine d’une dépression est multifactorielle. Il y a l’environnement et la génétique, souligne le docteur Dugnat. Certaines femmes qui n’ont jamais connu d’épisode dépressif peuvent en développer avec la maternité. »

Les causes d’un basculement sont nombreuses : la résurgence d’un traumatisme, les difficultés d’allaitement, une grossesse compliquée, les deuils… « Et l’isolement, prévient le médecin de Marseille. Il peut être concret pour une femme socialement seule. Mais il peut aussi intervenir alors que la personne est a priori entourée par un conjoint et la famille. »

L’entretien postnatal précoce

C’est pour mieux prendre en charge la dépression post-partum qu’est entré en vigueur, début juillet 2022, un entretien de prévention obligatoire nommé « entretien postnatal précoce ». Il est mené dans les premières semaines après la naissance à destination des femmes et des couples, afin de mieux repérer les troubles et ainsi mieux les prendre en charge. Il sera assuré par les médecins généralistes ou les sages-femmes. « Une bonne chose », saluent Élise Marcende et le docteur Michel Dugnat.

« Plus une femme est prise en charge tôt, mieux ce sera. Encore faut-il qu’on ait l’assurance que les professionnels de santé soient formés (sages-femmes et généralistes) », développe la présidente de l’association. Toujours selon le rapport des 1000 premiers jours, seuls 40 à 50 % des dépressions post-partum seraient diagnostiquées.

Les hommes sont aussi concernés

De manière plus confidentielle, les pères aussi peuvent être victimes de dépression après la naissance de l’enfant. « Chez eux, on voit des conduites addictives se développer. Certains se jettent dans le travail et fuient le domicile conjugal. Autrement, comme pour leur compagne, ils peuvent souffrir de problèmes de sommeil, de concentration et avoir des idées noires », observe la présidente de Maman Blues, qui intervient aussi auprès des compagnons en détresse. « Un homme dont la femme souffre de dépression aura deux fois plus de probabilité d’en développer une », complète Michel Dugnat.

Longtemps, la société n’a pas admis qu’une mère puisse se sentir mal alors qu’elle est censée vivre l’un sinon le plus beau moment de sa vie. La parole autour de ce tabou se libère progressivement. En 2020, après les interventions de la sociologue Illana Weizman sur les réseaux sociaux, des centaines de femmes ont évoqué librement leur dépression.

Comme #MeToo, #MonPostPartum a permis de libérer la parole. Un bon début pour Élise Marcende. Toutefois, « il y a encore du travail à faire sur les représentations, constate-t-elle. Dans certains milieux, pour certaines personnes, la dépression post-partum est encore stigmatisée. L’adage “Quand on veut, on peut” s’entend-on dire trop souvent. Ce genre de réactions est très culpabilisant pour une femme déjà en souffrance. Ce dont elle a d’abord besoin, c’est d’une oreille attentive ».

Nos conseils pour prévenir et soigner
• Quels symptômes doivent vous alarmer ?
Vous avez des préoccupations fortes, voire paralysantes, autour des besoins primaires de votre enfant, comme son sommeil et son alimentation. Quand tout ne tourne plus qu’autour d’une ou des problématiques, c’est un signe. D’autres signaux, plus caratéristiques de la dépression, doivent aussi vous alerter : une fatigue physique extrême, des troubles de l’humeur, du sommeil et de l’alimentation.
• Quand devez-vous consulter ?
Pour faire le point sur votre situation, vous pouvez remplir le questionnaire en ligne sur l’application gouvernementale « 1000 premiers jours ». Quelle que soit la nature de votre mal-être, parlez-en. D’abord à vos proches et à votre entourage médical (médecin généraliste, sage-femme). Si votre état persiste, il ne faut pas hésiter à consulter un spécialiste comme un psychologue ou psychiatre.
• Qui peut vous aider ? L’association Maman Blues apporte un soutien, de l’écoute et des conseils dans le cadre de la difficulté maternelle. www.maman-blues.fr

Guilherme Ringuenet
Publié le 08/08/2022 dans le journal LA VIE

À lire
Le Grand Livre des 1000 premiers jours de vie, dirigé par Joanna Smith, Dunod, 34 €.
La Vie rêvée du post-partum, d’Anna Roy, Larousse, 15,95 €.
Le Mois d’or, de Céline Chadelat et Marie Mahé-Poulin, Marabout, 8,90 €.
Dans le cerveau des mamans, des docteurs Hugo Bottemanne et Lucie Joly, Éditions du Rocher, 20,90 €, à paraître le 14 septembre.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *