Articles psyNon classé

Le harcèlement scolaire a des conséquences durables

Une revue de la littérature scientifique révèle que le harcèlement à l’école, assimilable à une forme de stress chronique, provoque chez les victimes des troubles psychiques et physiques durables.

Dans la cour de récréation, Pierre subit les moqueries et les bousculades de trois de ses « camarades » de classe depuis plusieurs mois. Il mange moins, dort mal, mais ne dit rien, pensant ainsi pouvoir s’intégrer… Mais il est stressé. Et les conséquences de ce harcèlement sur son développement ainsi que sur sa santé psychique et physique pourraient être graves, comme le suggère une revue de la littérature scientifique publiée par l’équipe de Susannah Tye, de la clinique Mayo à Rochester, et de ses collègues.

Le harcèlement dans l’enfance et à l’adolescence est une forme de stress social chronique pour la victime, qui subit un abus de pouvoir. La « violence » peut être physique (se faire pousser ou taper), verbale (se faire insulter ou intimider), indirecte (se faire manipuler ou exclure d’un groupe), ou encore virtuelle (sur les réseaux sociaux en particulier). Plus de 25 % des jeunes au primaire et au collège rapportent avoir été victime de harcèlement au moins une fois, 10 à 14 % en ayant souffert régulièrement pendant plus de six mois. Les filles sont autant concernées que les garçons, les premières étant davantage victimes d’agressions sociales et relationnelles, les seconds d’agressions physiques et verbales.

Or, en analysant plus de 100 études scientifiques, Susannah Tye et ses collègues ont mis en évidence que les effets psychologiques du harcèlement seraient semblables à ceux de la maltraitance dans l’enfance ou de toute autre forme de stress chronique.

Une étude s’appuyant notamment sur le développement de jumeaux a montré que le fait d’être victime de harcèlement augmente le risque de t

roubles psychiatriques comme l’anxiété, la dépression, les comportements et idées suicidaires. Une autre équipe a révélé que les garçons harcelés ont 18 fois plus de risques de se suicider que leurs camarades non victimes, et les filles harcelées ont 27 fois plus de risques de souffrir de troubles paniques. Quant aux persécuteurs, ils ont 4 fois plus de risques de développer un trouble de la personnalité antisociale.

Les victimes, dès le plus jeune âge, développent souvent des troubles physiques : perte d’appétit, problèmes de sommeil, maux de tête, douleurs abdominales, troubles de la respiration et fatigue. Bien sûr, ces troubles somatiques sont liés aux difficultés psychologiques et au stress, les jeunes n’arrivant plus à gérer leurs émotions. Ces signes physiques, qui apparaissent rapidement, devraient alerter les proches et les éducateurs.

Mais le stress chronique a aussi des effets à plus long terme… L’organisme est alors incapable de retrouver son « état d’équilibre », ni d’affronter d’autres difficultés. La concentration en hormones et en neuromédiateurs (les messagers entre neurones) restent perturbées, parfois sur de très longues périodes… S’en suivent alors une inflammation des tissus et une augmentation du rythme cardiaque qui persistent, puis un risque accru de dépression, diabète et maladies cardiovasculaires (entre autres).

Ces conséquences à long terme ont été mises en évidence dans les cas d’abus sexuel et d’agressions durant l’enfance, ou de conditions de vie très défavorables, mais il est fort probable qu’elles soient similaires pour les victimes de harcèlement. En effet, les jeunes harcelés présentent des perturbations des taux d’hormones de stress semblables à celles des individus ayant subit de graves traumatismes physiques ou psychiques. Selon certaines études, à l’âge adulte, les anciennes victimes ont dans le sang des quantités beaucoup trop élevées d’un marqueur de l’inflammation, comparées aux enfants non martyrisés. Preuve d’une inflammation chronique, qui a certainement des répercutions sur leur santé.

Les chercheurs s’attendent même à trouver dans les cellules des anciennes victimes de harcèlement d’autres traces du stress chronique subi dans leur enfance, comme des modifications dites épigénétiques, c’est-à-dire des changements dans leurs gènes liés à l’environnement. Mais des études longitudinales complémentaires sont nécessaires pour le confirmer.

Quoi qu’il en soit, au regard des études déjà disponibles sur le sujet, il apparaît évident que le harcèlement à l’école est une forme de stress chronique aux conséquences parfois graves. Il ne faut donc pas le prendre à la légère, et informer parents, éducateurs et enfants.

Article paru dans la revue Cerveau & Psycho

du 4 mai 2017

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *