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Protection de l’enfance : le Parlement adopte une réforme qui vise un meilleur accompagnement

Le Parlement a définitivement adopté à une large majorité le projet de loi relatif à la protection de l’enfance, ce 25 janvier, par un ultime scrutin de l’Assemblée nationale. Quelque 109 députés ont voté en faveur de ce texte – la troisième réforme après celle de 2007 et 2016 – porté par le secrétaire d’État en charge de l’Enfance et des Familles Adrien Taquet. Six se sont abstenus et deux ont voté contre dans les rangs de l’opposition de gauche, qui a pu accuser la réforme de n’être qu’une « opération de communication ». La gauche sénatoriale s’était aussi abstenue, lors du vote au Sénat jeudi dernier – sans pour autant freiner le texte dans son chemin législatif.

« La loi permettra aux enfants protégés par l’Aide sociale à l’enfance (ASE) de préparer leur avenir, d’envisager plus sereinement leur autonomie et de lutter contre ces inégalités de destin », a défendu Adrien Taquet. Quelque 300 000 mineurs bénéficient de l’ASE : plus de la moitié sont des enfants placés en institution ou en familles d’accueil, les autres font l’objet d’actions éducatives. Mais des défaillances sont régulièrement pointées dans leur suivi, qu’elles se traduisent par la formation lacunaire des personnels ou par des violences. Un quart des personnes sans domicile nées en France sont d’anciens enfants placés.

Favoriser l’insertion des 18-21 ans

La loi prévoit qu’une « garantie jeunes », qui deviendra le Contrat d’engagement jeune au 1er mars, soit systématiquement proposée aux jeunes de 18 à 21 ans passés par l’ASE afin de favoriser l’insertion de ceux qui n’ont ni emploi ni formation. Les jeunes auront aussi un « droit au retour » à l’ASE en cas de besoin jusqu’à 21 ans, avec la possibilité d’être reçus en entretien bilan six mois après leur sortie. Les sortants de l’ASE seront prioritaires pour un logement social. Autant de mesures saluées par le collectif Cause majeur ! qui défend les jeunes issus de l’ASE.

C’est « la fin du couperet des 18 ans », salue Adrien Taquet. « Il n’y aura pas d’obligation de prise en charge », a regretté la députée LFI Clémentine Autain (qui s’est abstenue de voter le texte).

Le secrétaire d’État s’est engagé dans un premier temps « à ce que l’État accompagne les départements » qui ont compétence sur la protection de l’enfance, « à hauteur de 50 millions d’euros ». Mais selon le socialiste Stéphane Troussel, président du Conseil départemental de la Seine-Saint-Denis, l’État oblige les départements à « trouver eux-mêmes les moyens financiers ».

Amélioration de l’accompagnement des jeunes

Le projet de loi prévoit plusieurs leviers censés améliorer l’accompagnement des bénéficiaires de l’ASE : il y aura des « contrôles stricts » des antécédents judiciaires des adultes au contact des enfants, notamment pour infractions sexuelles. Les établissements devront avoir une politique de prévention et de lutte contre la maltraitance.

Les assistants familiaux, qui accueillent chez eux des enfants placés, seront rémunérés au moins au Smic. De plus, la possibilité de confier l’enfant à un membre de sa famille ou à un tiers digne de confiance sera systématiquement recherchée. Les fratries seront par principe prises en charge dans un même lieu. Il sera proposé à chaque enfant un parrainage par des bénévoles et le suivi par un « mentor » lors de l’entrée au collège.

Sur demande du juge des enfants, un jeune pourra être assisté par un avocat « lorsque son intérêt l’exige ». Le principe de l’audition systématique de l’enfant est affirmé. Le juge des enfants pourra en outre autoriser la personne à qui est confié l’enfant à exercer des actes de l’autorité parentale (comme participer à un voyage scolaire), sans autorisation au cas par cas.

Divisions sur les mineurs isolés

Le texte prévoit l’interdiction dans deux ans d’héberger des mineurs protégés dans des hôtels. D’ici là, les mineurs ne pourront être accueillis à l’hôtel pendant plus de deux mois. Une situation qui concerne 7 500 à 10 000 jeunes, en grande majorité des mineurs isolés étrangers.

C’est en particulier sur leur sort que se cristallisent les critiques les plus vives. La loi prévoit que le recours au fichier national AEM (appui à l’évaluation de la minorité) soit obligatoire pour mieux repérer les jeunes ayant demandé une protection dans plusieurs départements. « Intégrer des dispositions de gestion des flux migratoires n’est pas tolérable », considère la sénatrice socialiste Michelle Meunier.

L’Unicef s’est dit vivement préoccupée au sujet de la généralisation du fichier AEM (position que partagent les associations de soutien aux migrants). « Malgré de nombreux amendements proposant de garantir la présomption de minorité, ce texte ne permettra pas de protéger suffisamment les nombreux mineurs isolés », prévient Adeline Hazan, vice-présidente d’Unicef France. « Au contraire, il risque de les dissuader davantage de demander une protection, de nuire à la fiabilité de l’évaluation de leur minorité et de favoriser l’expulsion de ceux considérés comme majeurs avant même qu’ils puissent exercer un recours », explique-t-elle.

Article publié dans le QUOTIDIEN DU MEDECIN du 26.01.22

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