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Santé, environnement. Comment surmonter l’éco-anxiété ?

Abdel Halim Boudoukha, professeur en psychologie clinique à l’université de Nantes, psychologue et psychothérapeute en thérapie cognitive et comportementale co-dirige avec la professeure Anne Congard une thèse sur « la compréhension des facteurs psychologiques impliqués dans le développement et le maintien de l’anxiété envers le changement climatique » dans le laboratoire de psychologie des Pays de la Loire.

Qu’est-ce que l’éco-anxiété ?

L’éco anxiété désigne cette détresse anxieuse liée aux conséquences du changement climatique et à ses effets sur la nature. L’anxiété se définit comme le fait d’anticiper une issue négative, une conséquence problématique. Est-ce qu’on a raison de s’inquiéter ou est-ce un phénomène pathologique ? Une partie de ces personnes sont préoccupées au point d’être en détresse. Une autre partie ne l’est pas : elle perçoit simplement les conséquences du changement climatique. Il y a des phénomènes plus fréquents de tornades, de tempêtes, de terres plus régulièrement inondées, submergées, c’est vrai. Météo France annonce un risque d’inondation dans ma région. Si je m’inquiète de cette inondation, est-ce un phénomène pathologique ? J’aurais tendance à dire, non, c’est tout à fait normal de s’inquiéter.

À quel moment une personne devient-elle éco-anxieuse, paralysée par des émotions négatives ?

Quand ses préoccupations sont tellement intenses qu’elles l’empêchent de se projeter dans l’avenir. Pour ces personnes, il n’y a plus d’adaptation possible. En revanche, quand quelqu’un a un comportement qui lui permet d’aller mieux et de surmonter cette anxiété, en s’impliquant dans des associations, en triant ses déchets, en utilisant le vélo plutôt que la voiture… Ce sont des comportements adaptatifs.

L’éco-anxiété touche surtout des personnes jeunes. Selon le Lancet, 75 % des jeunes jugent l’avenir effrayant !

Oui, ce sont des jeunes, jusqu’à 25 ans. Cela reste une minorité. Ça montre bien qu’il y a une préoccupation vis-à-vis de l’avenir, du changement climatique et de ses conséquences. Mais ça ne veut pas dire qu’ils n’ont pas de comportements adaptatifs. Il y a une différence entre se dire « ça va être difficile dans mon avenir, parce qu’on est en train d’accaparer toutes nos ressources, de polluer la planète ». C’est autre chose de se dire : « L’être humain est un nuisible, je ne vais pas avoir d’enfants, ce serait mieux que je n’existe pas. » Être dans la rumination avec des pensées automatiques négatives sur la planète, épuise, au point de ne plus pouvoir agir. La peur est si grande que certains s’enferment chez eux pour ne pas respirer l’air toxique des voitures ou ne plus manger certains aliments.

Observez-vous ces comportements ?

Oui, on parle de survivalisme. Je vais me couper de cette société et apprendre à être chasseur-cueilleur pour me rapprocher de la nature et ne pas la mettre en danger. Ces personnes pensent qu’il y a un effondrement imminent. C’est la notion de collapsologie. Elles sont dans une détresse mais à un autre niveau que celui de l’anxiété : elles ont accepté que la seule issue c’est la fin et qu’il faut s’y préparer. Le problème, c’est quand il n’y a plus d’action possible parce qu’on est pétrifié. Ou que l’on n’agit que dans le stress en perturbant l’entourage. Certains sont survivalistes parce que pour eux, c’est une solution. Ceux qui trouvent un équilibre en optant pour des régimes végans ou végétariens ne présentent pas de troubles. Le problème, c’est ceux qui vont imposer aux autres de suivre leur choix.

Comment avez-vous travaillé pour votre recherche ?

On a rencontré une trentaine de volontaires de 20 à 35 ans qui se disaient éco-anxieux. On a identifié des manières d’être, liées à ce phénomène. L’idée est de définir un seuil à partir duquel une personne devient à risque. Et leur proposer un accompagnement.

Les médias ont-ils un impact sur ces personnes ?

Il faut cesser le catastrophisme. Lors d’une recherche sur le Covid, on s’est rendu compte que le discours alarmiste des médias et du président de la République a terrassé les gens, plutôt que de leur permettre d’agir. Être exposé de manière répétitive devant des éléments anxiogènes – comme rester devant des chaînes d’info en continu toute la journée – met les gens en difficulté. Le cerveau aime les émotions négatives, donc les médias les privilégient. On a besoin des informations, mais il faut se donner des balises.

Quelles sont vos solutions pour sortir de l’éco anxiété ?

Les personnes qui ne sont pas éco-anxieuses sont dans l’action. Elles sont préoccupées, mais parviennent à réguler leurs émotions, comme Greta Thunberg,

Quel accompagnement préconisez-vous ?

Le groupe permet de mieux rompre l’isolement. Se rencontrer, échanger est un début de solution. Lorsque le sentiment de détresse est là, il faut aller voir un psychologue. Je préconise la psychologie comportementale ou positive. Cela concerne les personnes qui ont des pensées automatiques : « Le monde va à sa perte et va s’effondrer maintenant », « Je suis en train de manger, mais quelle est l’empreinte carbone ? ». On veut prouver scientifiquement que ces types d’intervention améliorent la qualité de vie des personnes.

Y a-t-il d’autres solutions ?

Il faut aider les personnes à verbaliser leurs préoccupations pour qu’elles puissent trouver plus de sérénité et accepter ce qu’elles ne peuvent pas changer. Si je suis préoccupé par un phénomène, j’ai tendance à polariser mon attention dessus, ce qui le maintient. Une femme qui veut avoir un enfant dira qu’elle n’arrête pas de voir des femmes enceintes. Le Covid est une source supplémentaire de préoccupation. L’incertitude fait augmenter l’anxiété, et être trop restrictif sur le plan des libertés aussi.

Que faire lorsqu’on a un enfant préoccupé par ces questions ?

On parle avec lui, on prend du temps, on va voir une association ou on regarde sur internet comment trier ses déchets, passer à l’action. On essaie de parler des émotions sans les dramatiser.

Si des personnes éco-réalistes, éco-anxieuses souhaitent participer à cette recherche : helene.jalin@univ-nantes.fr

Ouest-FranceVanessa RIPOCHE.Publié le 09/01/2022 

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